L’épreuve écrite du bac de français proposait cette année d’étudier un texte de Sylvie Germain, auteure contemporain majeure et reconnue. Si autrefois le fait de devenir un « classique » étudié en classe, et surtout proposé à l’examen terminal du lycée, apparaissait comme une consécration, c’est aujourd’hui également une malédiction : Mme Germain, surprise autant qu’honorée par le sujet, s’est vue ensuite cyberharcelée par des candidats malchanceux, en fait plutôt fainéants et immatures, qui ont cru pouvoir accuser violemment, sans retenue, l’auteure du texte de commentaire le plus beau qui soit « tombé » depuis plusieurs années en métropole. L’élève passe au service après-vente… Lorsqu’il se plante, il accuse non son manque de génie ou de travail, mais celui qui a conçu le sujet, voire l’auteur innocent de l’œuvre à étudier…
Il en va de même tout au long de l’année depuis le passage au lycée 4.0 dans l’académie : MonBureauNumérique, plate-forme sensée reproduire le lycée dans un monde virtuel, propose aux élèves et à leurs parents un moyen très simple, rapide, et surtout sans filtre pour contacter les professeurs : la messagerie électronique. Pratique et utile parfois, mais pas seulement : quasi tous les professeurs ont déjà reçu au moins un mail déplacé, discourtois, agressif, dans lequel leur enseignement, leur posture, leur autorité, leur métier étaient remis en question de façon totalement abusive : parents furieux des notes de leurs enfants, ou demandant carrément à un professeur pourquoi il était absent ; élèves accusant le professeur de ne pas avoir fait son travail à sa place, comme préparer son grand oral (si, si, c’est vrai…), tout y passe.
Auraient-ils fait preuve d’autant d’agressivité en face à face et devant autrui, tous ceux qui « mailent » ou postent plus vite que leur ombre ? Et si les plateformes numériques, comme les réseaux sociaux, étaient la préfiguration des établissements scolaires sans règlement intérieur, et d’une société sans loi ? Inquiétant, et triste…